La compréhension du fonctionnement de la psychologie humaine a connu une révolution copernicienne dans les années 60 avec les apports du Mental Resarch Institute de l’école de Palo Alto. L’art du changement développé par ses théoriciens a permis des avancées spectaculaires dans la prise en charge de difficultés, même anciennes et invalidantes.
- Notre perception dépend de notre vécu
Placez trois seaux face à vous, remplissez le premier d’eau très chaude, un autre d’eau très froide et un troisième d’eau tiède. Mettez votre main droite dans l’eau chaude et la gauche dans l’eau froide. Au bout de quelques minutes, mettez les deux mains dans l’eau tiède. Sur votre main droite l’eau semblera très froide et sur la main gauche elle semblera très chaude. Si vous vous fiez à la perception de la main droite, vous voudrez ajouter de l’eau chaude, mais si vous considérez ce que perçoit la main gauche, vous ajouterez de l’eau froide. Cette expérience démontre que nous construisons notre comportement d’après notre perception, et que ce que nous percevons est fondé sur ce que nous avons vécu auparavant.
- Notre ressenti dépend de notre perception
C’est sur la base de cette analyse que le premier modèle de thérapie stratégique brève fut formulé par un groupe de chercheurs du Mental Research Institute de Palo Alto (Bateson, Jackson, Haley et Weakland) dans les années 1960. La thérapie brève considère que l’immense majorité des problèmes auxquels nous voulons apporter un changement a trait à la signification que nous donnons à la situation, plutôt qu’à la situation elle-même. Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui nous inquiètent mais l’opinion que nous nous en faisons, affirmait déjà Epictète il y a 1900 ans. La thérapie brève considère qu’une intervention visant à changer une situation doit induire un vécu différent dans la perception de la réalité de la personne qui consulte. Des expériences pratiques lui seront proposées afin de produire dans sa vie un changement à la fois au niveau émotionnel, cognitif et comportemental.
- Le problème, c'est la solution
Les théoriciens de Palo Alto ont également formulé l’idée que les problèmes sont formés et entretenus par les actions mêmes que les individus mettent en place pour tenter de les résoudre. A titre d’exemple, les personnes qui souffrent de troubles phobiques essaient généralement d’éviter toutes les situations qui déclenchent leur peur. Mais cette stratégie d’évitement augmente habituellement leurs réactions phobiques. Chaque fois que la personne évite le contexte qui l’effraye, la qualité menaçante de la situation est confirmée, ce qui amène de nouveaux évitements. Notre difficulté à changer de stratégie tient au fait que les solutions que nous employons ont précédemment marché pour des problèmes semblables. L’erreur est humaine, mais c’est l’incapacité à changer ses propres erreurs qui rend une situation problématique. Comme le disait Oscar Wilde, « Ce sont les meilleures intentions qui produisent les pires effets ».
- L'utilisation du paradoxe comme outil thérapeutique
L’école de Palo Alto a également identifié que le paradoxe est un élément fondamental des problèmes mentaux et qu’il peut être utilisé de façon efficace pour les résoudre. Reprenant ainsi le vieux dicton « Soignons le mal par le mal ». Elle a favorisé l’utilisation de techniques de communication indirectes utilisant des anecdotes, des métaphores, des récits, qui amoindrissent la résistance parce que l’on ne demande pas à la personne de faire quoi que ce soit, et que l’on ne critique pas ses opinions ou comportements. A un patient obsessionnel par exemple, à qui nous voudrions faire sentir à quel point il est néfaste de s’écouter constamment, et ce faisant d’augmenter son anxiété jusqu’à l’attaque de panique, le thérapeute pourra raconter l’histoire de ce mille pattes qui lorsqu’il s’arrête pour méditer sur la façon dont il arrive à marcher si élégamment avec autant de pattes à remuer à la fois, finit par se bloquer et ne plus marcher du tout.
- Le rôle du thérapeute dans l'approche de Palo Alto
La thérapie brève focalise son attention sur la définition du problème du patient, sur l’identification du comportement qui entretient le problème et sur la recherche de façons pragmatiques de modifier la situation dans un minimum de temps.
Le thérapeute doit interrompre les schémas répétitifs d’interactions inopérantes et les remplacer par des schémas qui fonctionnent mieux. Le travail s’accomplit habituellement en une dizaine de séances et vise à l’élimination des symptômes et à la résolution des difficultés. La thérapie s’achève avec la mise en échec et mat du problème présenté au départ et avec l’acquisition par le patient de procédures qui lui permettent de jouer de façon autonome et de gagner cette partie particulière. Pour ce qui est du reste, déclare Bateson, vivre, c’est jouer « un jeu dont le but est de découvrir les règles alors qu’elles changent tout le temps et restent toujours impossible à découvrir ».
Commentaires